Résumé : |
Les centres commerciaux, baptisés shopping centers en Argentine s'y sont multipliés dans les années 80. Ils sont significatifs des mutations économiques, commerciales, socio-culturelles, urbaines, qui traversent la ville de Buenos-Aires. Les facteurs urbains et socio-économiques "classiques" qui servent à expliquer le développement des centres commerciaux ne s'appliquent pas bien dans le cas de Buenos-Aires. L'objet urbain lui-même, le "produit social" est bien différent des centres commerciaux apparus aux Etats-Unis puis en Europe dans les années 50-80. L'analyse des facteurs d'expansion, la spécificité des formes, le rapport des centres commerciaux à la ville, leur distribution spatiale dans l'agglomération de Buenos Aires débouche sur celle des stratégies des acteurs publics et privés qui les produisent : les acteurs institutionnels, les promoteurs privés et les usagers. C'est en effet la situation économique, politique et sociale, en partie le reflet de mutations se produisant à l'échelle nationale, continentale et internationale qui peut expliquer leur succès en Argentine. Le retrait de l'Etat, conséquence de la mise en place de politiques néolibérales, induit un nouveau rapport entre les secteurs public et privé. Les centres commerciaux marquent l'irruption nouvelle de la modernité voire de la postmodernité à Buenos Aires, ainsi qu'un nouveau mode de gouvernance urbaine qui fait la part belle aux promoteurs immobiliers, tandis que les classes moyennes, menacées dans leur identité sociale, fréquentent presque rituellement les centres commerciaux. Le discours publicitaire, l'espace architectural, le vocabulaire employé pour désigner les espaces des centres commerciaux incitent au transfert des pratiques qui caractérisent l'espace public "traditionnel" (les places, les parcs) vers ces nouveaux lieux qui exercent des fonctions centrales et sociales à plusieurs titres. Ils se substituent, en zone périurbaine, au centre de la ville, mais, en même temps qu'ils intègrent des populations fragilisées, ils excluent une majorité croissante de la population. Le centre commercial, ville-modèle, est aussi un modèle de ville privée qui fonctionne suivant une logique de l'ordre et du contrôle social et spatial. Il marque un glissement de la ville latino-américaine vers un modèle nord-américain de la ville (Résumé auteur). |